Conduit effectivement au Pénitencier national, jeudi après midi, Arnel Bélizaire n'a pas été mis en cellule. Le député a passé la nuit au greffe de la prison. Il n'y a aucun motif pour le mettre en cellule confirme les autorités policières. « Je suis au greffe du Pénitencier national. Les responsables de la prison ont dit qu'ils m'ont déjà libéré en exécutant une décision de justice. Avec la seule lettre envoyée à la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), disant que je suis un évadé de prison, ils ne peuvent pas faire de dossier pour m'envoyer en prison », a expliqué au Nouvelliste le parlementaire joint au téléphone, jeudi soir peu après minuit.
« Ils ont dit au Premier ministre qui était venu me voir que j'avais un exéquatur ordonnant ma libération et ils l'ont déjà exécuté. Les responsables de la prison m'ont laissé dans le greffe en attendant que les autorités judiciaires disent pourquoi elles m'ont fait arrêter », a poursuivi le député dans cette interview accordée au journal.
« Je me sens en pleine forme », a-t-il martelé avec une voix confiante. A la question le savoir comment les policiers l'ont traité au moment de l'arrestation et au Pénitencier national, Arnel Bélizaire a fait savoir que les agents n'oseraient pas le toucher. « Ils savent que je suis rancunier et que je suis un ancien militaire qui a leur estime », a-t-il affirmé ajoutant : « ils m'ont donné un matelas. Mes parents m'ont apporté le nécessaire pour bien passer la nuit au greffe. »
Selon le député, il a rapidement reçu la visite du Premier ministre Garry Conille et de son équipe. Le directeur général de la police nationale, Mario Andrésol- qui est également un ancien militaire- et le sénateur Desra Simon Dieuseul sont aussi passés le voir. S'agissant de ses collègues députés, ils étaient trop nombreux, une soixantaine, les agents de la prison n'ont pas voulu les laisser entrer.
Le parlementaire qui n'est pas libre de ses mouvements pour le moment a indiqué que cette situation va bien au-delà de sa personne. C'est le Parlement qui est en question. « Je n'ai aucun problème moi-même. En 2004, oui, j'avais des problèmes. Maintenant, c'est du Parlement qu'il s'agit... », a-t-il fait remarquer.
Selon lui, sa situation est un manque de respect pour les institutions du pays de la part du président Martelly. « Si le président est le garant des institutions, nous au Parlement, nous sommes là pour contrôler les actions de l'exécutif, donc les actions du chef de l'Etat. Nous sommes les défenseurs directs de la population. Aujourd'hui, le Président veut jouer à lui seul tous les rôles », a-t-il dénoncé.
L'ancien président de la 48e législature, le député Levaillant Louis-Jeune, sidéré on ne peut plus de l'arrestation qualifiée d'arbitraire de son collègue a annoncé qu'il va introduire, dès le mois de janvier, au retour de la Chambre basse de ses vacances, une mise en accusation du chef de l'Etat. Une idée partagée par le député Arnel Bélizaire qui dit ne pas voir d'autres moyens pour stopper Michel Martelly dans son entêtement à instaurer une dictature dans le pays.
Son message au peuple haïtien : « J'aimerais que la population comprenne que trop de gens dans le pays ont laissé leur vie pour l'instauration de la démocratie. Quand bien même vous l'avez élu président, mais Michel Martelly ne peut pas se permettre de piétiner toutes les institutions de la République. »
Jeudi 27 octobre 2011. A 4h50 p.m., Air Caraïbes était attendu sur le tarmac de l'aéroport Toussaint Louverture de Port-au-Prince. A bord de ce vol en provenance de Paris: le député Arnel Bélizaire qui fait l'objet d'un mandat d'arrestation émis par le chef du parquet de Port-au-Prince, Me Félix Léger. Ce mandat a été émis quelques jours après une altercation entre le parlementaire et le président de la République au cours d'une réunion avec le groupe majoritaire de la Chambre basse au palais national. Mais le député, selon le parquet, figure sur une liste d'évadés de prison recherchés par la justice.
5h02 p.m. Des unités de la police nationale, des chars blindés de la Minustah sont sur place. Devant l'entrée qui conduit au salon diplomatique de l'aéroport, des centaines de partisans du député manifestent en lançant des propos acerbes contre le chef de l'Etat qu'ils qualifient de dictateur. « Arnel Bélizaire ou la mort ! Non au vagabondage politique », tempête un groupe de sympathisants, exhibant la photo du député de Delmas/Tabarre.
« Nous disons non à la dictature et à l'armée rose de Martelly ! », enchaîne un autre groupe, estimant que le chef de l'Etat ne doit pas se servir de la justice pour régler ses conflits personnels. « Où est passée l'immunité du député ? Pourquoi était-on obligé d'écrire au Parlement pour demander la levée de l'immunité? », s'est demandé un homme dans la quarantaine, qui critique fermement cette décision du parquet qu'il juge illégale et arbitraire.
5h05. Une délégation de parlementaires arrive à l'aéroport. Solidarité oblige. Après avoir sillonné les parages pendant quelques minutes, les députés tentent de se présenter au salon diplomatique, mais, ils ont été refoulés par des unités de la police nationale. Les disputes pleuvent. Entre-temps, la manifestation s'amplifie. Les propos grivois contre le chef de l'Etat ne s'arrêtent pas. Les minutes s'égrènent. Le député ne viendra plus, car il a été retenu à Pointe-à-Pitre par les autorités françaises ; non il viendra. Toutes les rumeurs circulent.
5h22. L'avion atterrit. Les agents de la Minustah sont renforcés. Personne ne sait si le député est bien à bord, car, selon le député Levaillant Louis-Jeune, les ministres de la Justice et de l'Intérieur, embarrassés, dit-il, par ce qui se passe, ainsi que certaines ambassades, dont l'ambassade de France, tentaient d'empêcher le député de rentrer au pays ce jeudi. « Par cette tentative, ils allaient encore violer la Constitution. Car l'Etat ne peut empêcher un citoyen de rentrer dans son pays quand il le veut », indique le député.
« Nous insistons pour que Arnel Bélizaire rentre au pays et qu'il soit arrêté en notre présence », fulmine l'ancien président de la Chambre des députés qui était venu, lui aussi, apporter son soutien à son collègue.
5h40. La police nationale exécute les ordres du commissaire du gouvernement, Me Félix Léger. Le député, quelques minutes après être descendu de l'avion, trouve son arrestation. La nouvelle est confirmée par le président de l'Assemblée nationale, Jean Rodolphe Joazile, qui était au salon diplomatique.
Déception, colère, angoisse... « C'est une gifle pour le Parlement. Qui est le suivant ? », lance un protestataire, estimant que le chef de l'Etat « fait peur ».
5h45. Les députés, impuissants, multiplient les contacts pour savoir où leur collègue a été exactement conduit. Il est bruit qu'il a été emmené à la Direction centrale de la police judiciaire.
« Nous étions là pour constater et dire à la nation qu'on a arrêté un député sans que son immunité soit levée. Nous avons affaire à un dictateur. Ce qui se passait en 1957 quand le président François Duvalier commençait à arrêter des parlementaires risque de se produire à nouveau », a déclaré le président de la Chambre des députés, Sorel Jacinthe.
« Le président ne respecte personne. Rappelez-vous, la presse, comment le président vous a traité. Il dit qu'il est le chef suprême (...) Nous allons discuter avec des parlementaires et agir selon la loi », a conclu le député.
Roberson Geffrard
rgeffrard@lenouvelliste.com
Valéry DAUDIER
vdaudier@lenouvelliste.com
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